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la petite citation

qui fait

grave du bien dans le kokoro

Mayaku

Mayaku, l’idyllique ville nippone, n’est plus. Les guerres de gang, l’avidité et la convoitise du pouvoir, la folie et les flammes, ont tué ce paradis. Et bientôt, ça sera votre tour.
 

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Mar 20 Nov - 20:40

for every word you'll say
Même aveugle, il était impossible de passer à côté. Par le parfum des fleurs, des chrysanthèmes par centaines, la saison s'y prêtait, ou par le chemin de galet comme un art à part entière qui étranglait sa gorge allergique et jalouse et déséquilibrait son pas occidental. La bâtisse transpirait le sukiya-zukuri et l'ère Edo ; depuis l'entrée, il ne faisait que deviner le sentier menant au chishatsu extérieur, annexe probable de la villa, certes non par manque d'espace. Les grenouilles naïves nageaient dans le bassin aux abords couverts de mousse, les feuilles d'érable égarées à sa surface ; observant d'un air dédaigneux les étrangers au sanctuaire, quelques sages crapauds veillaient et coassaient grassement. Pendant que Tomoyo s'équipait, Jean-Baptiste dévisageait les amphibiens plus docilement qu'il l'aurait fait pour ses semblables. Non loin de ses formelles Louis-Philippe, un lézard audacieux et commun comme tout fila se cacher sous les feuilles d'un buisson taillé. Il était trop tard pour toute cette agitation. L'automne était exigeant, presque frileux lui-même. La vie était à l'image de la propriétaire des lieux : artificielle, sophistiquée, fausse et risquée. Un stylo-plume, depuis longtemps privé de sa jeunesse, ne manqua aucun mot de cette pensée.

Tomoyo chargea le diable d'une seconde mallette et retourna dans le fourgon. Cette toute jeune femme était remarquable dans son travail, plus remarquable encore lorsque l'on constatait ses fiches de paye ; une stagiaire, probablement, Jean-Baptiste n'avait pas écouté. Il la croisait souvent sur les plateaux des émissions matinales, la reconnaissait à son carré court, raide et noir, caché sous ses casquettes adolescentes. À la voir ajuster les pieds des caméras en silence, il la savait virtuose de technique : elle l'accompagnait alors, puisqu'il était tout naturel de s'occuper personnellement de certaines affaires,  elle, son agaçant chewing-gum en bouche et ses bras musclés.
Méticuleuse, aussi ; et le stylo-plume s'accorda à ses réflexions distraites, car il faisait référence à Zhen Endô. Le flair qu'il avait une fois dans les affaires était depuis longtemps admiré et crédité, baguette de sourcier, comme une sorcellerie avec laquelle la télévision avait appris à exister. Il n'était pas le premier à se risquer dans son antre, il n'aurait jamais la prétention de le croire, tout était une question d'instant et il avait cela dans le sang. Ce reportage tomberait à point nommé. Cette alliance, si elle se concluait - et elle serait conclue, n'en déplaise à ses détracteurs - assurerait l'image publique de la chaîne face à n'importe quel coup dur. Il avait la prévoyance dans le sang, et rayait de son calepin la mention « attention maniaque portée aux détails » par nervosité et ennui spécialiste ; il savait les quelques manquements feng-shui du jardin, redoutait ceux de l'intérieur. « Apparences » revenait souvent sous sa main, griffonné en désordre, le regard toujours en communion avec les gardiens du temple anoures quand, dans son dos, Tomoyo faisait trébucher le diable sur les galets et le rejoignait avec peine. Les vibrations effrayèrent le lézard et les rares oiseaux n'ayant pas encore migré se turent - ce fut dans une intimité sacrée que le binôme gagna le parvis de la demeure.

Ils s'annoncèrent, et peut-être firent-ils trop de bruit : les crapauds coassaient de plus belle et leur voix était cassée. Jean-Baptiste en eu le coeur fendu et se retourna vers sa cameraman en la sommant de faire moins de bruit. C'était ce qu'il lui fallait pour extérioriser.
Son calepin retrouva sa place dans la poche intérieure de sa veste, aussi brune et orangée que la flore alentour. Il avait organisé l'une de ses mèches au-dessus de son sourcil, légère imperfection dans sa gomina, montre de travail et de l'attention qu'il portait à ce qu'il soit bien fait au détriment de lui, sagesse infâme de ne pas être impeccable face à l'orgueil roi de la reine. En somme, être paillasson.
Ils attendirent trop longtemps à son goût et il était irrité de la mastication modérée mais cancre de sa si délicieuse compagnie. Puis la porte s'ouvrit et, comme un écho répété en coulisses, s'ouvrit à sa suite un visage angevin et un sourire de sciences et de lettres.

_ Madame le maire, mes plus sincères remerciements pour cette invitation. Jean-Baptiste Levesque-Thériault, directeur des programmes de MY1 mais aujourd'hui pour vous, interlocuteur dévoué et humble admirateur de votre parcours.


Un salut aussi formel que ses chaussures et plus japonais que le jardin.

_  J'espère que mon accent ne vous importune pas plus que les crapauds, je les sens quelque peu tendus.


Ils coassaient leur hallali et Jean-Baptiste le saint pleurait quand le rusé offrait de sincères pattes d'oie aux coins de ses yeux.

_ Ils ont du être effrayés par Tomoyo et nos affaires barbares. Ah ! ne faites pas attention à Tomoyo d'ailleurs, elle est mon assistante et sait se faire oublier quand je le lui intime. Une préférence de cadre, peut-être ? Les couleurs en extérieur subliment votre teint, mais votre intérieur semblerait davantage structuré et accueillant, le portrait idéal d'une maire au pouvoir. Madame, quelle Zhen Endô voudriez-vous montrer à Mayaku ?


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