SVEN TORVALD
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âge : 24 ans.
genre : Masculin.
orientation : Compliquée.
métier : Manutentionnaire.
origines : Russo-suédois.
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Le monde est mort. Il doit être quatre heures, quatre heures dix tout au plus. La pénombre enveloppe le seul habitant du modeste appartement d'un sombre manteau lénitif. Loin des yeux, loin du bruit, le corps inerte vole quelques précieuses minutes de repos après que ses démons ait bien voulu lui foutre la paix. C’qui est pratique quand on ne dort pas ou peu, c'est qu'on a presque pas le temps de rêver. Alors ces démons, ces putains de démons, n'ont pas le temps de se muer en immondices onirique pour continuer à nous torturer au creux des bras de Morphée. C'est à quatre heures, quatre heures dix tout au plus, que Sven peut aspirer à un semblant de paix intérieure.
Rompue. Le cri strident du réveil résonne dans la pièce et lézarde les murs, bientôt suivi d'un râle asthénique. Sa paume s'abat à plusieurs reprise et sans délicatesse aucune sur l'écran tactile de son téléphone avant qu'il ne parvienne à éteindre l'alarme. Bientôt assis sur le rebord du lit, la tête entre les mains, la figure décharnée contemple un instant sa vie de merde. Il ressent dans son être la tension d'un corps privé de sommeil, lourd et qu'il est pénible de faire se mouvoir. Ce mois-là, il avait déjà pris la liberté de ne pas pointer le bout de son nez à l'entrepôt deux fois, suite à quoi on l'avait gentiment menacé de le virer à coup de pied au cul s'il lui venait l'idée de réitérer l'audacieuse entreprise. Alors il fallait bien se lever.
Sven se traîne péniblement jusqu'à sa salle de bain dans la pénombre d'un appartement vide de miroirs, de meubles tout court quelque part. Il laisse couler durant d'interminables minutes un filet d'eau chaude sur sa nuque, à ça près si l'on omet le caoua et la clope matinale, sa seule source de chaleur et de réconfort.
Puis il enfile des fringues un peu trop grandes. Pour se donner du corps, de la matière, de la tenue. Et non pas la silhouette cadavérique qu'il se traîne et hais plus que tout.
Il bosse ensuite, à contre cœur. Il évite tant que faire se peut de se sociabiliser avec ses collègues. Tous des cons, d't'façon. Sur son chariot, tandis qu'il déplace des palettes, il a tout le temps du monde pour penser à la merde qu'est sa vie. Souvent, il s'acharne sur lui-même. Ce qui l'amène inévitablement à penser qu'ils ont raison. Ses démons. Ses putains de démons.
Ils illustrent tout ce qu'il n'est pas. Tout ce qu'il aspire à être. Ils incarnent un modèle de masculinité empirique. Des muscles d'acier trempé, un charisme indéniable, une gueule à qui il ne fait pas bon d'inviter à se mettre un doigt dans le cul et à faire l'avion.
Ils ne l'ont jamais vraiment aimé, ces démons. Toujours renié. Plus petit, plus chétif. Faible, qu'ils disaient. Une vraie gonzesse, c'est pas de ça que les hommes sont faits, ils raillaient. Ça pleure pas un homme. Ça n'en aime pas un d'autre. Ça tape dans le fond sans demander son reste. Ça gueule, ça crache, ça lui dit de fermer sa gueule à cette conne-là. Ça descend la vodka comme de l'eau et ça allume des flammes argentées dans son estomac.
Mais, c'est dangereux de réfléchir. Alors lorsqu'il termine le travail, il ne songe plus qu'à une chose : endiguer le flot de ses pensées. Et pour ça tous les moyens sont bons. Il s'arme de son appareil, de quelques bombes de peintures criardes. Il ruine de son art gueulard les murs si propres de la ville. Son grain de folie gangrène peu à peu l'ordre public établis, son poison se répand comme une traînée de poudre via les réseaux sociaux. Il explose, son venin, comme un majeur tendu au firmament. Il éclot tel la fleur de Ginkgo si chère au cœur de The Dawn qui résonne tout au fond de lui. C'est d'ailleurs dans ses bras qu'à la nuit tombée il se jette. Au cœur des bars aux lumières artificielles tamisées, son nez blanchis, ses yeux rougissent et ses membres s'engourdissent. Les pensées ne sont plus. Son humeur s'améliore et parfois, on peut même sentir poindre du bout de ses lèvres un sourire acide.
S'il trouve compagnie, il échouera le temps des coups de bassins chez un plan cul éphémère. Autrement, il rentrera presque titubant jusqu'à son appartement dans le noir serein de la nuit. Son corps meurt dans un tournis tout ce qu'il y a de plus vomitif, mais qui obstrue les canaux de sa pensée. Malade, il se laisse mourir une nuit de plus, jusqu'à se faire happer pour une poignée de minutes par l'inconscience salvatrice du sommeil.
Puis reviendra quatre heures. Quatre heures dix tout au plus. Et le cauchemar quotidien reprendra son cours.
by PSEUDO